Gilles deBecdelievre - LaFontaine by RV
Auteur:RV
La langue: eng
Format: epub
Publié: 2019-08-24T14:21:36+00:00
Elle accoucha dâune souris.
Quand je songe à cette fable
Dont le récit est menteur
Et le sens véritable,
Je me figure un auteur
Qui dit : âJe chanterai la guerre
Que firent les Titans au maître du tonnerre.â
Câest promettre beaucoup : mais quâen sort-il souvent ?
Du vent. »
â Tout est charmant. Cette Fable va jusquâà nous promener sans effort aux cimes de la pensée ! Nâest-ce pas ?
â Câest très juste ! Chaque fois, lâhomme est montré tel quâil est.
â Câest-Ã -dire ?
â Tous ses travers sont mis sur la sellette : lâambition, le pouvoir, la jalousie, le fanatisme, la cupidité, la cruauté, la médiocrité, que sais-je encore ? Et par-dessus tout, sa sottise !
â Chère amie, ses Fables ne sont pas que des vérités difficiles à entendre.
â Si peu !
â Tut ! tut ! tut ! lâamitié, le bon sens ou la raison lâemportent quelquefois. Puis, à les lire tout donne à sentir, à palper ; La Fontaine fixe si bien les parfums et les sensations.
â Il nâempêche, les Fables sont dépourvues dâillusions !
â Oui, mais sans acrimonie ni aigreur.
Lâabbé nâen croit pas ses oreilles : un étourdissant ballet de critiques et
dâappréciations. La convocation sâest transformée en un débat entre deux femmes passionnées et devisant dâarrache-pied sur le contenu des Fables.
Quelle aubaine ! Il suffit de questions pour entretenir leur verve.
â A-t-il écrit beaucoup de Fables ?
â Pas assez ! On en revient toujours et encore à la même chose : son inconstance. Il nâa eu de cesse de passer dâun genre littéraire à un autre.
La marquise sâinsurge :
â Je voudrais faire une fable qui lui fît entendre combien cela est misérable de forcer son esprit à sortir de son genre ! Et combien la folie de vouloir chanter sur tous les tons fait une mauvaise musique !
â Oui mais le théâtre, la tragédie ou lâopéra sont dispensateurs de renommée et de réussite, contrairement aux fables.
â Câest un fait. Sauf quâen la matière, toutes les entreprises de La Fontaine ne sont guère enthousiasmantes. Il y a des endroits jolis, très jolis, et dâautres ennuyeux ; en croyant mieux faire on fait mal.
Madame de La Fayette pouffe.
â Dans les salons, La Fontaine est insignifiant. Je lâai souvent observé : un gastéropode enfermé dans sa carapace, glissant inaperçu parmi nous, lâair endormi, tout enveloppé de silence et⦠de paresse.
â Tandis que nos traits dâesprit fusent, lui est trop absorbé pour y aller du sien !
â La Fontaine est un esprit qui ne fonctionne ni dans le même registre ni à la même vitesse que nous autres.
â La vitesse de lâescargotâ¦
â Que me dites-vous là !
â Rendez-vous compte : il avait quarante-sept ans lors de lâédition de son premier recueil de Fables. Tout ce temps à attendre ! Et il a fallu encore attendre dix années pour lâédition de son deuxième recueil.
Depuis, plus rien.
â Chez lui, le temps dâincubation est longâ¦
â Très long ! Les commères de Château-Thierry racontent que quand il était enfant, jamais le pays nâavait connu chérubin moins prompt et moins pétillant. Mais en découvrant son nom sur les registres du baptême, elles disaient que câétait le seul signe de précocité quâil ait jamais donné.
â Pourquoi cela ?
â Il fut parrain dès lââge de trois ansâ¦
Les douairières gloussent, puis continuent leur entretien comme si lâabbé â toujours debout â nâavait jamais existé.
â Ah, très chère ! moi qui suis plus jeune que vous, je suis toujours chagrine et inquiète ; alors que je nâai aucun sujet de chagrin ou dâinquiétude.
â Ma belle, la fièvre vous égare.
â Que nenni ! Mon cerveau ne souffre dâaucun ramollissement, soyez-en assurée ! Mais peut-être lâÅil que je jette sur le monde devient vitreux⦠Il y a encore quelques jours, Madame de Maintenon mâa déclaré : « Je nâai pu conserver votre amitié, elle en mettait la continuation à trop haut prix »â¦
â Elle exagère !
* * *
Un domestique amène sur un plateau une carafe dâeau et deux verres quâil pose sur le guéridon à côté du lit. Décidément, le pauvre abbé est inexistant.
â Jâavoue un faible pour le second recueil des Fables. Je trouve que tout en gardant de leur légèreté, elles ont plus de corps et de profondeur.
Dâailleurs, notre fabuliste lâécrit dans la préface : « Jâai jugé à propos de donner à la plupart de celles-ci un air et un tour différent de celui que jây ai donné aux premières⦠pour remplir de plus de variété mon ouvrage » .
â Sans doute sâest-il enrichi au contact de Madame de La Sablière ?
â La tourterelle !
Le qualificatif coupe la chique de Madame de La Fayette. Les yeux vairons de la marquise de Sévigné dardent tous leurs feux. Elle nâa jamais goûté les mÅurs libertines de Madame de La Sablière. Après sâêtre rendue deux ou trois fois dans son salon, elle se refuse de le fréquenter bien que « son nez carré par le bout » renifle tout ce qui sây raconte.
Quant au nom dâoiseau â a priori plaisant â dont elle affuble Madame de La Sablière, il empeste le ressentiment. Certes, cette dernière avait un fort penchant pour la roucoulade au milieu des libertins qui encombraient son salon.
Savent-elles que Madame de La Sablière vient de décéder ? Lâabbé tait le sujet et préfère sâenquérir de la préférence affichée par Madame de La Fayette.
â Que trouvez-vous de remarquable à ce second recueil de Fables ?
â Il est né dâun esprit à la paresse entretenueâ¦
â Ah !
â Ce sont les écus de Madame de La Sablière qui, en cultivant la
paresse de La Fontaine, ont permis lâéclosion de ces Fables.
â Jusquâaux domestiques qui lui changeaient ses vêtements usés !
Lâamoralité du fabuliste heurte Pouget.
â Tout de même ! Il est étonnant que Monsieur de La Fontaine, aussi irresponsable soit-il, puisse être le chantre des morales de ses Fables.
Les visages fardés acquiescent, lâair grave. Cet avis vaut comme une flèche qui, sans le transpercer, atteint le cÅur des épistolières.
La marquise nuance :
â Les morales de ses Fables ne nous proposent point de règles bien strictes, ni de but bien élevé. En somme, que nous disent-elles ? Tâcher dâêtre un peu moins sot, de connaître la vie, de nâêtre point dupe dâautrui et encore moins de nous-même, voilà lâabrégé de ses conseils.
â Je partage votre avis ! Les morales de La Fontaine ne sont en rien un prêche, elles se fondent sur la sagesse. Apprendre à être heureux ouâ¦
moins malheureux, selon le caractère de chacun.
â Ou lâart de se tirer dâaffaire en se préservant du danger, de la misère, des imbéciles et de lâinjustice.
â Les morales des Fables sâappuient sur des joies simples : lâamitié, les plaisirs de lâesprit, le commerce des femmes comme celui des hommes, les bons soupers, les bons vins, la nature à la belle saisonâ¦
â La volupté est partout. Les morales nous indiquent le chemin du bonheur et nous incitent à profiter des bons moments de la vie.
Lâabbé reste sur sa faim.
â Donnait-il de lâardeur pour écrire ses Fables ?
â Câest le fruit dâun génie aisé. Elles coulent de source et lui coûtent peu dâefforts.
â Câest cette aisance qui lâa fait ingénieusement nommer « mon Fablier » par la duchesse de Bouillon, pour dire que ses Fables sont une production naturelle des idées qui se trouvent toutes arrangées dans sa tête !
â Je le crois aussi. Son indolence se manifeste quelquefois par des constructions vicieuses ou par des défauts de langage.
La marquise de Sévigné, en dépit de son corset, bondit tel un arlequin hors de son fauteuil.
â Ah, non ma belle ! Je ne peux pas vous laisser dire cela. Fautes accommodantes, peut-être⦠Mais jamais de constructions vicieuses chez La Fontaine ! Ce genre de propos sent son Boileau. Si les Fables nâavaient employé que lâalexandrin, elles auraient perdu la moitié de leur vérité et de leur agrément. Douze syllabes sont un trop long vêtement pour une
pensée légère.
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